Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/385

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ments, que je me rendrai maîtresse de mes actions, de mes paroles ; je vous le promets. Oui, je vous aime assez pour vous cacher que je vous aime. Le plaisir de vous voir, d’habiter les mêmes lieux, me suffira. Enfin, que ne dis-je point ! Mais tout fut inutile : il demeura ferme sur le parti du couvent. J’obtins seulement, après beaucoup de larmes, que celui où j’entrerais serait dans le lieu où M. de Barbasan fixerait sa demeure.

Nous partîmes le lendemain de cette conversation. Jour malheureux ! jour funeste pour M. de Barbasan et pour moi ! nous descendîmes dans un hôtellerie si pleine de monde, qu’à peine pûmes-nous obtenir une très-petite et très-mauvaise chambre. Il n’y avait qu’un lit : M. de Barbasan, par égard pour mon sexe, et aussi à cause de la langueur où j’étais encore, voulut que je l’occupasse : je m’en défendis autant que je pus ; mais il fallut obéir.

Peu de moments après que je fus couchée, j’eus une espèce de faiblesse qui obligea M. de Barbasan à s’approcher de mon lit. Il avait pris mon bras pour me tâter le pouls ; je lui retins la main lorsqu’il voulut la retirer ; je la serrai quelque temps entre les miennes avec un sentiment si tendre que je ne pus retenir mes larmes : elles tombaient sur cette main que je tenais ; il en fut apparemment plus touché qu’il ne l’avait été jusque-là.

Que vous dirai-je, madame ? Il oublia dans ce moment ce qu’il vous devait, et j’oubliai ce que je me devais à moi-même. Il n’est guère possible qu’un homme de l’âge de M. de Barbasan puisse résister