Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/391

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cher, et vous voulez m’ôter la triste consolation de le pleurer.

Mes larmes, qui coulaient en abondance, ne me permirent pas d’en dire davantage. Eugénie, à qui je faisais pitié, était prête à en répandre ; mais son amitié toujours sage ne lui laissait pour ma faiblesse que des instants d’indulgence : elle me pressa d’aller trouver mon mari : sa présence, dit-elle, vous soutiendra. J’avais de la peine à suivre ce conseil ; mais Eugénie l’emporta, et me fit partir. J’étais si changée que M. d’Hacqueville me crut malade ; ses soins, ses tendresses, ses inquiétudes, redoublaient ma peine ; j’éprouvais ce que j’avais déjà éprouvé dans le commencement de mon mariage, qu’il n’est point d’état plus difficile à soutenir que celui où l’on est mal avec soi-même.

La mort d’Hippolyte, que j’appris quelques jours après, me coûta encore des larmes. Hélas ! pourquoi la pleurai-je ! Son sort était préférable au mien : elle ne sentait plus l’affreux malheur de n’avoir point été aimée, et je n’osais sentir le plaisir de l’être. Quelle contrainte ! Lorsque j’étais seule avec mon mari, je ne trouvais plus rien à lui dire : il m’était également impossible de dissimuler ma tristesse, et de cacher mon embarras lorsqu’il m’en demandait la cause.

Après plusieurs mois passés de cette sorte, où je n’avais eu de consolation que d’aller de temps en temps prodiguer mes caresses au fils de Barbasan, j’appris un matin que M. d’Hacqueville était parti dès la pointe du jour pour aller à une terre qu’il avait dans le fond de la Gascogne.

Ce départ si prompt, dont il ne m’avait point parlé,