Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/395

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decins. Loin d’en être alarmé, la vue du péril lui donna une tranquillité et un repos dont il avait été bien éloigné jusque-là : je ne voyais que trop que ce repos et cette tranquillité étaient l’effet de la plus affreuse douleur, et mon cœur en était déchiré. Quels reproches ne me faisais-je pas de l’imprudence de ma conduite ! j’aurais évité le malheur où je touchais, si je n’avais point caché ma dernière aventure. L’amitié que, malgré ma malheureuse inclination, j’avais ressentie pour mon mari, se réveillait dans mon cœur : je ne pouvais penser que j’allais le perdre, sans être pénétrée de douleur. J’étais sans cesse baignée dans mes larmes : la nécessité de les lui cacher m’obligeait, malgré moi, de m’éloigner de temps en temps du chevet de son lit.

J’étais retirée dans un cabinet qui touchait à sa chambre, lorsqu’il demanda à me parler. La mort, me dit-il lorsqu’il me vit seule auprès de lui, va nous séparer ; elle fera ce que je n’aurais peut-être jamais eu la force d’exécuter. Ah ! m’écriai-je en versant un torrent de larmes, que me faites-vous envisager ? le comble de la honte et du malheur. Est-il possible que je vous sois devenue si odieuse ? C’est par un sentiment tout contraire, reprit-il, que j’aurais dû vous affranchir du malheur de vivre avec un mari que vous n’avez pu aimer, et qui vous a mise en droit de le haïr. Innocente ou coupable, les offenses que je vous ai faites sont de celles que l’on ne pardonne jamais.

L’état où vous me voyez, lui dis-je, répond pour moi : je rachèterais votre vie de la mienne propre. Qu’en ferais-je, reprit-il ? elle ne serait qu’une source