Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/41

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pas de quelque bonté que vous avez eue pour moi, lui dis-je, en lui prenant la main que je baisai malgré elle. Laissez-moi, me dit-elle ; plus je vous vois, et plus je rends inévitables les malheurs que je crains.

La douceur de ces paroles me pénétra d’une joie qui ne me montra que des espérances. Je me flattai que je rendrais mon père favorable à ma passion ; j’étais si plein de mon sentiment qu’il me semblait que tout devait sentir et penser comme moi. Je parlai à Adélaïde de mes projets, en homme sûr de réussir. Je ne sais pourquoi, me dit-elle, mon cœur se refuse aux espérances que vous voulez me donner : je n’envisage que des malheurs, et cependant je trouve du plaisir à sentir ce que je sens pour vous. Je vous ai laissé voir mes sentiments ; je veux bien que vous les connaissiez ; mais souvenez-vous que je saurai, quand il le faudra, les sacrifier à mon devoir.

J’eus encore plusieurs conversations avec Adélaïde, avant mon départ ; j’y trouvais toujours de nouvelles raisons de m’applaudir de mon bonheur : le plaisir d’aimer et de connaître que j’étais aimé remplissait tout mon cœur ; aucun soupçon, aucune crainte, pas même pour l’avenir, ne troublaient la douceur de nos entretiens : nous étions sûrs l’un de l’autre, parce que nous nous estimions ; et cette certitude, bien loin de diminuer notre vivacité, y ajoutait encore les charmes de la confiance. La seule chose qui inquiétait Adélaïde, était la crainte de mon père. Je mourrais de douleur, me disait-elle, si je vous attirais la disgrâce de votre famille : je veux que vous m’aimiez ; mais je veux surtout que vous soyez heureux. Je partis enfin, plein de