Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/402

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ment Barbasan. Cette nouvelle marque de ma tendresse, si singulière, si extraordinaire, augmenta sa confusion et son désespoir à un tel point, qu’il était près d’attenter sur sa vie : il voulait me suivre : il voulait s’aller jeter à mes pieds ; il trouvait ensuite qu’il n’était digne d’aucune grâce. Que lui dirai-je, disait-il ? que tandis qu’elle faisait tout pour moi, je la trahissais d’une manière si indigne ! M’en croira-t-elle quand je lui protesterai que je l’ai toujours adorée ?

Enfin, après bien des irrésolutions, le désir de me voir l’emporta : il se mit en chemin, bien résolu de me suivre en France. Loin qu’il fût arrêté par le péril qu’il y avait pour lui d’y paraître, il y trouvait au contraire de la satisfaction : c’était du moins me donner une preuve du prix dont j’étais à ses yeux. Il suivit la route que j’avais prise : sa diligence était si grande, que, malgré l’avance que j’avais sur lui, il m’aurait jointe infailliblement sans l’accident qui le retint.

Le gouverneur de Philisbourg venait de recevoir ordre d’arrêter une homme de grande importance, qui avait quitté le service de l’empereur pour passer dans celui de France. Les instances que Barbasan fit à la poste pour avoir des chevaux, et plus encore sa bonne mine, firent soupçonner qu’il était celui que cet ordre regardait. On l’arrêta, et on le conduisit chez le gouverneur, homme exact et incapable de se relâcher sur ses devoirs. Tout ce que Barbasan put lui dire fut inutile : il l’envoya prisonnier à la citadelle.

Il y fut retenu pendant plus d’une année, et il n’en