Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/43

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de votre vie ; l’inclination que la fille de M. de Lussan et moi avons prise l’un pour l’autre, aussitôt que nous nous sommes vus, est peut-être un avertissement que le ciel vous donne. Mon père, vous n’avez que moi d’enfant, voulez-vous me rendre malheureux ? et combien mes malheurs me seront-ils plus sensibles encore, quand ils seront votre ouvrage ! Laissez-vous attendrir pour un fils qui ne vous offense que par une fatalité dont il n’est pas le maître.

Mon père, qui m’avait laissé à ses pieds tant que j’avais parlé, me regarda long-temps avec indignation. Je vous ai écouté, me dit-il enfin, avec une patience dont je suis moi-même étonné, et dont je ne me serais pas cru capable ; aussi c’est la seule grâce que vous devez attendre de moi ; il faut renoncer à votre folie, ou à la qualité de mon fils ; prenez votre parti sur cela, et commencez à me rendre les papiers dont vous êtes chargé ; vous êtes indigne de ma confiance.

Si mon père s’était laissé fléchir, la demande qu’il me faisait m’aurait embarrassé ; mais sa dureté me donna du courage. Ces papiers, lui dis-je, ne sont plus en ma puissance, je les ai brûlés ; prenez, pour vous dédommager, les biens qui me sont déjà acquis. À peine eus-je le temps de prononcer ce peu de paroles : mon père furieux vint sur moi l’épée à la main ; il m’en aurait percé sans doute, car je ne faisais pas le plus petit effort pour l’éviter, si ma mère ne fût entrée dans ce moment. Elle se jeta entre nous : Que faites-vous, lui dit-elle ? songez-vous que c’est votre fils ? et, me poussant hors de la chambre, elle m’ordonna d’aller l’attendre dans la sienne.