Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/52

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de résolution, et l’affront que je lui fais en deviendrait plus sensible pour elle, si je l’avais vue. Non, tu ne la verras point, me répondit-il avec fureur. Tu ne verras pas même le jour, je vais t’enfermer dans un cachot destiné pour ceux qui te ressemblent. Je jure qu’aucune puissance ne sera capable de t’en faire sortir, que tu ne sois rentré dans ton devoir ; je te punirai de toutes les façons dont je puis te punir ; je te priverai de mon bien ; je l’assurerai à mademoiselle de Foix, pour lui tenir, autant que je le puis, les paroles que je lui ai données.

Je fus effectivement conduit dans le fond d’une tour. Le lieu où l’on me mit ne recevait qu’un faible lumière d’une petite fenêtre grillée qui donnait dans une des cours du château. Mon père ordonna qu’on m’apportât à manger deux fois par jour, et qu’on ne me laissât parler à personne. Je passai dans cet état les premiers jours avec assez de tranquillité, et même avec une sorte de plaisir. Ce que je venais de faire pour Adélaïde m’occupait tout entier, et ne me laissait presque pas sentir les incommodités de ma prison ; mais, quand ce sentiment fut moins vif, je me livrai à toute la douleur d’une absence qui pouvait être éternelle. Mes réflexions ajoutaient encore à ma peine ; je craignais qu’Adélaïde ne fût forcée de prendre un engagement : je la voyais entourée de rivaux empressés à lui plaire ; je n’avais pour moi que mes malheurs ; il est vrai qu’auprès d’Adélaïde c’était tout avoir : aussi me reprochais-je le moindre doute, et lui en demandais je pardon comme d’un crime. Ma mère me fit tenir une lettre, où elle m’exhortait à me soumettre à mon père, dont la colère