Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/53

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devenait tous les jours plus violente : elle ajoutait qu’elle en souffrait beaucoup elle-même ; que les soins qu’elle s’était donnés pour parvenir à un accommodement l’avaient fait soupçonner d’intelligence avec moi.

Je fus très-touché des chagrins que je causais à ma mère ; mais il me semblait que ce que je souffrais moi-même m’excusait envers elle. Un jour que je rêvais, comme à mon ordinaire, je fus retiré de ma rêverie par un petit bruit qui se fit à ma fenêtre ; je vis tout de suite tomber lui papier dans ma chambre ; c’était une lettre ; je la décachetai avec un saisissement qui me laissait à peine la liberté de respirer : mais que devins-je après l’avoir lue ! Voici ce qu’elle contenait :

« Les fureurs de M. de Comminge m’ont instruite de tout ce que je vous dois ; je sais ce que votre générosité m’avait laissé ignorer. Je sais l’affreuse situation où vous êtes, et je n’ai, pour vous en tirer, qu’un moyen qui vous rendra peut-être plus malheureux ; mais je le serai aussi-bien que vous, et c’est là ce qui me donne la force de faire ce qu’on exige de moi. On veut, par mon engagement avec un autre, s’assurer que je ne pourrai être à vous : c’est à ce prix que M. de Comminge met votre liberté. Il m’en coûtera peut-être la vie, et sûrement tout mon repos. N’importe, j’y suis résolue. Vos malheurs, votre prison, sont aujourd’hui tout ce que je vois. Je serai mariée dans peu de jours au marquis de Benavidés. Ce que je connais de son caractère m’annonce tout ce que j’aurai à souffrir ; mais je vous dois du moins cette espèce de fidélité de ne trouver que des peines dans l’engagement que je vais