Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/54

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prendre. Vous, au contraire, tâchez d’être heureux ; votre bonheur ferait ma consolation. Je sens que je ne devrais point vous dire tout ce que je vous dis ; si j’étais véritablement généreuse, je vous laisserais ignorer la part que vous avez à mon mariage ; je me laisserais soupçonner d’inconstance. J’en avais formé le dessein ; je n’ai pu l’exécuter ; j’ai besoin, dans la triste situation où je suis, de penser que du moins mon souvenir ne vous sera pas odieux. Hélas ! il ne me sera pas bientôt permis de conserver le vôtre ; il faudra vous oublier ; il faudra du moins y faire mes efforts. Voilà de toutes mes peines celle que je sens le plus ; vous les augmenterez encore, si vous n’évitez avec soin les occasions de me voir et de me parler. Songez que vous me devez cette marque d’estime, et songez combien cette estime m’est chère, puisque, de tous les sentiments que vous aviez pour moi, c’est le seul qu’il me soit permis de vous demander. »

Je ne lus cette fatale lettre que jusqu’à ces mots : « On veut, par mon engagement avec un autre, s’assurer que je ne pourrai être à vous. » La douleur dont ces paroles me pénétrèrent ne me permit pas d’aller plus loin : je me laissai tomber sur un matelas qui composait tout mon lit. J’y demeurai plusieurs heures sans aucun sentiment, et j’y serais peut-être mort, sans le secours de celui qui avait soin de m’apporter à manger. S’il avait été effrayé de l’état où il me trouvait, il le fut bien davantage de l’excès de mon désespoir, dès que j’eus repris la connaissance. Cette lettre que j’avais toujours tenue pendant ma faiblesse,