Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/55

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et que j’avais enfin achevé de lire, était baignée de mes larmes, et je disais des choses qui faisaient craindre pour ma raison.

Cet homme, qui jusque-là avait été inaccessible à la pitié, ne put alors se défendre d’en avoir ; il condamna le procédé de mon père ; il se reprocha d’avoir exécuté ses ordres ; il m’en demanda pardon. Son repentir me fit naître la pensée de lui proposer de me laisser sortir seulement pour huit jours, lui promettant qu’au bout de ce temps-là, je viendrais me remettre entre ses mains. J’ajoutai tout ce que je crus capable de le déterminer. Attendri par mon état, excité par son intérêt et par la crainte que je ne me vengeasse un jour des mauvais traitements que j’avais reçus de lui, il consentit à ce que je voulais, avec la condition qu’il m’accompagnerait.

J’aurais voulu me mettre en chemin dans le moment ; mais il fallut aller chercher des chevaux, et l’on m’annonça que nous ne pourrions en avoir que pour le lendemain. Mon dessein était d’aller trouver Adélaïde, de lui montrer tout mon désespoir, et de mourir à ses pieds, si elle persistait dans ses résolutions : il fallait, pour exécuter mon projet, arriver avant son funeste mariage, et tous les moments que je différais me paraissaient des siècles. Cette lettre que j’avais lue et relue, je la lisais encore ; il semblait qu’à force de la lire, j’y trouverais quelque chose de plus. J’examinais la date, je me flattais que le temps pouvait avoir été prolongé : elle se fait un effort, disais-je ; elle saisira tous les prétextes pour différer. Mais puis-je me flatter d’une si vaine espérance, reprenais-je ? Adélaïde