Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/57

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qui ne me quittait point, était dans une affliction inconcevable ; ses larmes, ses prières, et le nom d’Adélaïde qu’elle employait, me firent enfin résoudre à vivre. Après quinze jours de la fièvre la plus violente, je commençai à être un peu mieux. La première chose que je fis, fut de chercher la lettre d’Adélaïde ; ma mère, qui me l’avait ôtée, me vit dans une si grande affliction, qu’elle fut obligée de me la rendre : je la mis dans une bourse qui était sur mon cœur, et où j’avais déjà mis son portrait : je l’en retirais pour la lire toutes les fois que j’étais seul.

Ma mère, dont le caractère était tendre, s’affligeait avec moi ; elle croyait d’ailleurs qu’il fallait céder à ma tristesse, et laisser au temps le soin de me guérir.

Elle souffrait que je lui parlasse d’Adélaïde ; elle m’en parlait quelquefois ; et, comme elle s’était aperçue que la seule chose qui me donnait de la consolation, était l’idée d’être aimé, elle me conta qu’elle-même avait déterminé Adélaïde à se marier. Je vous demande pardon, mon fils, me dit-elle, du mal que je vous ai fait ; je ne croyais pas que vous y fussiez si sensible : votre prison me faisait tout craindre pour votre santé, et même pour votre vie. Je connaissais d’ailleurs l’humeur inflexible de votre père, qui ne vous rendrait jamais la liberté, tant qu’il craindrait que vous pussiez épouser mademoiselle de Lussan. Je me résolus de parler à cette généreuse fille : je lui fis part de mes craintes ; elle les partagea ; elle les sentit peut-être encore plus vivement que moi. Je la vis occupée à chercher les moyens de conclure promptement son mariage. Il y avait longtemps que son père, offensé des procédés de M. de