Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/58

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Comminge, la pressait de se marier : rien n’avait pu l’y déterminer jusque-là. Sur qui tombera votre choix, lui demandai-je ? Il ne m’importe, me répondit-elle ; tout m’est égal, puisque je ne puis être à celui à qui mon cœur s’était destiné.

Deux jours après cette conversation, j’appris que le marquis de Benavidés avait été préféré à ses concurrents ; tout le monde en fut étonné, et je le fus comme les autres.

Benavidés a une figure désagréable, qui le devient encore davantage par son peu d’esprit et par l’extrême bizarrerie de son humeur : j’en craignis les suites pour la pauvre Adélaïde ; je la vis pour lui en parler dans la maison de la comtesse de Gerlande, où je l’avais vue. Je me prépare, me dit-elle, à être très-malheureuse ; mais il faut me marier ; et, depuis que je sais que c’est le seul moyen de délivrer monsieur votre fils, je me reproche tous les moments que je diffère. Cependant ce mariage, que je ne fais que pour lui, sera peut-être la plus sensible de ses peines ; j’ai voulu du moins lui prouver par mon choix, que son intérêt était le seul motif qui me déterminait. Plaignez-moi ; je suis digne de votre pitié, et je tâcherai de mériter votre estime, par la façon dont je vais me conduire avec M. de Benavidés. Ma mère m’apprit encore que Adélaïde avait su, par mon père même, que j’avais brûlé nos titres ; il le lui avait reproché publiquement le jour qu’il avait perdu son procès ; elle m’a avoué, me disait ma mère, que ce qui l’avait le plus touchée, était la générosité que vous aviez eue de lui cacher ce que vous aviez fait pour elle. Nos journées se passaient dans de pareilles conversations ; et, quoique ma mélancolie fût