Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/60

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Laurent, me l’écrivit, et me demanda mes ordres : je lui mandai d’aller en Biscaye sans perdre un moment. Le désir de voir Adélaïde s’était tellement augmenté par l’espérance que j’en avais conçue, qu’il ne m’était plus possible d’y résister.

Saint-Laurent demeura près de six semaines à son voyage : il revint au bout de ce temps-là ; il me conta qu’après beaucoup de peines et de tentatives inutiles, il avait appris que Benavidés avait besoin d’un architecte ; qu’il s’était fait présenter sous ce titre, et qu’à la faveur de quelques connaissances qu’un de ses oncles qui exerçait cette profession lui avait autrefois données, il s’était introduit dans la maison. Je crois, ajouta-t-il, que madame de Benavidés m’a reconnu ; du moins me suis-je aperçu qu’elle a rougi la première fois qu’elle m’a vu. Il me dit ensuite qu’elle menait la vie du monde la plus triste et la plus retirée ; que son mari ne la quittait presque jamais ; qu’on disait dans la maison qu’il en était très-amoureux, quoiqu’il ne lui en donnât d’autre marque que son extrême jalousie ; qu’il la portait si loin, que son frère n’avait la liberté de voir madame de Benavidés que quand il était présent.

Je lui demandai qui était ce frère : il me répondit que c’était un jeune homme, dont on disait autant de bien que l’on disait de mal de Benavidés ; qu’il paraissait fort attaché à sa belle-sœur. Ce discours ne fit alors nulle impression sur moi ; la triste situation de madame de Benavidés, et le désir de la voir, m’occupaient tout entier. Saint-Laurent m’assura qu’il avait pris toutes les mesures pour m’introduire chez Benavidés.