Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/61

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Il a besoin d’un peintre, me dit-il, pour peindre un appartement ; je lui ai promis de lui en mener un ; il faut que ce soit vous.

Il ne fut plus question que de régler notre départ. J’écrivis à ma mère que j’allais passer quelque temps chez un de mes amis, et je pris avec Saint-Laurent le chemin de la Biscaye. Mes questions ne finissaient point sur madame de Benavidés ; j’eusse voulu savoir jusqu’aux moindres choses de ce qui la regardait. Saint-Laurent n’était pas en état de me satisfaire ; il ne l’avait vue que très-peu. Elle passait les journées dans sa chambre, sans autre compagnie que celle d’un chien qu’elle aimait beaucoup : cet article m’intéressa particulièrement ; ce chien venait de moi, je me flattai que c’était pour cela qu’il était aimé ; quand on est bien malheureux, on sent toutes ces petites choses, qui échappent dans le bonheur ; le cœur dans le besoin qu’il a de consolation, n’en laisse perdre aucune.

Saint-Laurent me parla encore beaucoup de l’attachement du jeune Benavidés pour sa belle-sœur ; il ajouta qu’il calmait souvent les emportements de son frère, et qu’on était persuadé que, sans lui, Adélaïde serait encore plus malheureuse. Il m’exhorta aussi à me borner au plaisir de la voir, et à ne faire aucune tentative pour lui parler. Je ne vous dis point, continua-t-il, que vous exposeriez votre vie, si vous étiez découvert ; ce serait un faible motif pour vous retenir ; mais vous exposeriez la sienne. C’était un si grand bien pour moi de voir du moins Adélaïde, que j’étais persuadé de bonne foi que ce bien me suffirait : aussi me promis-je à moi-même, et promis-je à Saint-