Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/62

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Laurent encore plus de circonspection qu’il n’en exigeait.

Nous arrivâmes après plusieurs jours de marche qui m’avaient paru plusieurs années ; je fus présenté à Benavidés, qui me mit aussitôt à l’ouvrage. On me logea avec le prétendu architecte, qui de son côté devait conduire des ouvriers. Il y avait plusieurs jours que mon travail était commencé, sans que j’eusse encore vu madame de Benavidés ; je la vis enfin un soir passer sous les fenêtres de l’appartement où j’étais, pour aller à la promenade : elle n’avait que son chien avec elle ; elle était négligée ; il y avait dans sa démarche un air de langueur ; il me semblait que ses beaux yeux se promenaient sur tous les objets, sans en regarder aucun. Mon dieu ! que cette vue me causa de trouble ! Je restai appuyé sur la fenêtre, tant que dura la promenade. Adélaïde ne revint qu’à la nuit ; je ne pouvais plus la distinguer quand elle repassa sous ma fenêtre ; mais mon cœur savait que c’était elle.

Je la vis la seconde fois dans la chapelle du château. Je me plaçai de façon que je la pusse regarder pendant tout le temps qu’elle y fut, sans être remarqué. Elle ne jeta point les yeux sur moi ; j’en devais être bien aise, puisque j’étais sûr que, si j’en étais reconnu, elle m’obligerait à partir. Cependant je m’en affligeai ; je sortis de cette chapelle avec plus de trouble et d’agitation que je n’y étais entré. Je ne formai pas encore le dessein de me faire connaître ; mais je sentais que je n’aurais pas la force de résister à une occasion, si elle se présentait.

La vue du jeune Benavidés me donnait aussi une