Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/64

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dont je la regardais moi-même. Je n’étais cependant pas jaloux ; mon estime pour Adélaïde éloignait ce sentiment de mon cœur. Mais pouvais-je m’empêcher de craindre que la vue d’un homme aimable, qui lui rendait des soins, même des services, ne lui fît sentir d’une manière plus fâcheuse encore pour moi, que mon amour ne lui avait causé que des peines.

J’étais dans cette disposition, lorsque je vis entrer dans le lieu où je peignais, Adélaïde menée par dom Gabriel. Je ne sais, lui disait-elle, pourquoi vous voulez que je voye les ajustements qu’on fait à cet appartement. Vous savez que je ne suis pas sensible à ces choses-là. J’ose espérer, lui dis-je, madame, en la regardant, que, si vous daignez jeter les yeux sur ce qui est ici, vous ne vous repentirez pas de votre complaisance. Adélaïde, frappée de mon son de voix, me reconnut aussitôt ; elle baissa les yeux quelques instants, et sortit de la chambre sans me regarder, en disant que l’odeur de la peinture lui faisait mal.

Je restai confus, accablé de la plus vive douleur. Adélaïde n’avait pas daigné même jeter un regard sur moi ; elle m’avait refuse jusqu’aux marques de sa colère. Que lui ai-je fait, disais-je ? il est vrai que je suis venu ici contre ses ordres ; mais, si elle m’aimait encore, elle me pardonnerait un crime qui lui prouve l’excès de ma passion. Je concluais ensuite que, puisque Adélaïde ne m’aimait plus, il fallait qu’elle aimât ailleurs. Cette pensée me donna une douleur si vive et si nouvelle, que je crus n’être malheureux que de ce moment. Saint-Laurent, qui venait de temps en temps me voir, entra et me trouva dans une agitation qui lui fit peur.