Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/66

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qu’Adélaïde conservât une tendresse qui la rendait malheureuse. Je me reprochais dans ces moments de l’aimer plus pour moi que pour elle : Si je n’en suis plus aimé, disais-je à Saint-Laurent, si elle en aime un autre, qu’importe que je meure ? Je veux tâcher de lui parler ; mais ce sera seulement pour lui dire un dernier adieu. Elle n’entendra aucun reproche de ma part : ma douleur, que je ne pourrai lui cacher, les lui fera pour moi.

Je m’affermis dans cette résolution. Il fut conclu que je partirais aussitôt que je lui aurais parlé ; nous en cherchâmes les moyens. Saint-Laurent me dit qu’il fallait prendre le temps que dom Gabriel irait à la chasse, où il allait assez souvent, et celui où Benavidés serait occupé à ses affaires domestiques, auxquelles il travaillait certains jours de la semaine.

Il me fit promettre que, pour ne faire naître aucun soupçon, je travaillerais comme à mon ordinaire, et que je commencerais à annoncer mon départ prochain.

Je me remis donc à mon ouvrage ; j’avais presque, sans m’en apercevoir, quelque espérance qu’Adélaïde viendrait encore dans ce lieu ; tous les bruits que j’entendais me donnaient une émotion que je pouvais à peine soutenir ; je fus dans cette situation plusieurs jours de suite ; il fallut enfin perdre l’espérance de voir Adélaïde de cette façon, et chercher un moment où je pusse la trouver seule.

Il vint enfin, ce moment. Je montais, comme à mon ordinaire, pour aller à mon ouvrage, quand je vis Adélaïde qui entrait dans son appartement. Je ne doutai pas qu’elle ne fût seule : je savais que dom Gabriel était