Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/76

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refus de mon frère, ne m’avait donné qu’un temps très-court pour les faire cesser, et m’avait déclaré, et à sa fille, que, ce temps expiré, il la marierait à un autre.

L’amitié que madame de Benavidés me témoignait, me mit bientôt en état de lui demander son secours ; j’allais souvent dans sa chambre, dans le dessein de lui en parler, et j’étais arrêté par le plus léger obstacle. Cependant le temps qui m’avait été prescrit s’écoulait ; j’avais reçu plusieurs lettres de ma maîtresse, qui me pressaient d’agir ; les réponses que je lui faisais ne la satisfirent pas ; il s’y glissait, sans que je m’en aperçusse, une froideur qui m’attira des plaintes ; elles me parurent injustes ; je lui en écrivis sur ce ton-là. Elle se crut abandonnée ; et le dépit, joint aux instances de son père, la détermina à se marier. Elle m’instruisit elle-même de son sort ; sa lettre, quoique pleine de reproches, était tendre ; elle finissait en me priant de ne la voir jamais. Je l’avais beaucoup aimée, je croyais l’aimer encore ; je ne pus apprendre, sans une véritable douleur, que je la perdais : je craignais qu’elle ne fût malheureuse, et je me reprochais d’en être la cause.

Toutes ces différentes pensées m’occupaient ; j’y rêvais tristement en me promenant dans une allée de ce bois que vous connaissez, quand je fus abordé par madame de Benavidés. Elle s’aperçut de ma tristesse ; elle m’en demanda la cause avec amitié. Une secrète répugnance me retenait : je ne pouvais me résoudre à lui dire que j’avais été amoureux ; mais le plaisir de pouvoir lui parler d’amour, quoique ce ne fût pas pour elle, l’emporta. Tous ces mouvements se passaient dans