Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/81

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trouver une occasion de vous donner sa lettre. Elle me conta ensuite comment son mari vous avait surpris dans le moment même où vous lui disiez un éternel adieu ; qu’il avait voulu la tuer, et que c’était en la défendant que vous aviez blessé M. de Benavidés. Sauvez ce malheureux, ajouta-t-elle ; vous seul pouvez le dérober au sort qui l’attend : car, je le connais, dans la crainte de m’exposer, il souffrirait les derniers supplices, plutôt que de déclarer ce qu’il est. Il est bien payé de ce qu’il souffre, lui dis-je, madame, par la bonne opinion que vous avez de lui. Je vous ai découvert toute ma faiblesse, répliqua-t-elle ; mais vous avez dû voir que, si je n’ai pas été maîtresse de mes sentiments, je l’ai, du moins, été de ma conduite, et que je n’ai fait aucune démarche que le plus rigoureux devoir puisse condamner. Hélas ! madame, lui dis-je, vous n’avez pas besoin de vous justifier ; je sais trop, par moi-même, qu’on ne dispose pas de son cœur comme on le voudrait. Je vais mettre tout en usage, ajoutai-je, pour vous obéir, et pour délivrer le comte de Comminge ; mais j’ose vous dire qu’il n’est peut-être pas le plus malheureux.

Je sortis en prononçant ces paroles, sans oser jeter les yeux sur madame de Benavidés ; je fus m’enfermer dans ma chambre pour résoudre ce que j’avais à faire. Mon parti était pris de vous délivrer ; mais je ne savais pas si je ne devais pas fuir moi-même. Ce que j’avais souffert, pendant le récit que je venais d’entendre, me faisait connaître à quel point j’étais amoureux. Il fallait m’affranchir d’une passion si dangereuse pour ma vertu ; mais il y avait de la cruauté d’abandonner madame de