Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Benavidés, seule, entre les mains d’un mari qui croyait en avoir été trahi. Après bien des irrésolutions, je me déterminai à secourir madame de Benavidés, et à l’éviter avec soin. Je ne pus lui rendre compte de votre évasion que le lendemain ; elle me parut un peu plus tranquille ; je crus cependant m’apercevoir que son affliction était encore augmentée, et je ne doutai pas que ce ne fût la connaissance que je lui avais donnée de mes sentiments : je la quittai pour la délivrer de l’embarras que ma présence lui causait.

Je fus plusieurs jours sans la voir. Le mal de mon frère, qui augmentait, et qui faisait tout craindre pour sa vie, m’obligea de lui faire une visite pour l’en avertir. Si j’avais perdu M. de Benavidés, me dit-elle, par un événement ordinaire, sa perte m’aurait été moins sensible ; mais la part que j’aurais à celui-ci me la rendrait tout-à-fait douloureuse. Je ne crains point les mauvais traitements qu’il peut me faire ; je crains qu’il ne meure avec l’opinion que je lui ai manqué ; s’il vit, j’espère qu’il connaîtra mon innocence, et qu’il me rendra son estime. Il faut aussi, lui dis-je, madame, que je tâche de mériter la vôtre. Je vous demande pardon des sentiments que je vous ai laissé voir : je n’ai pu ni les empêcher de naître, ni vous les cacher. Je ne sais même si je pourrai en triompher ; mais je vous jure que je ne vous en importunerai jamais ; j’aurais même pris déjà le parti de m’éloigner de vous, si votre intérêt ne me retenait ici. Je vous avoue, me dit-elle, que vous m’avez sensiblement affligée. La fortune a voulu m’ôter jusqu’à la consolation que j’aurais trouvée dans votre amitié.