Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/91

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encore de nouvelles forces ; je le suivais par-tout ; et, si j’étais quelques heures sans le voir, je croyais que je ne le verrais plus.

Voici le moment heureux que Dieu avait préparé pour m’attirer à lui ; nous allions dans la forêt couper du bois pour l’usage de la maison, quand je m’aperçus que mon compagnon m’avait quittée ; mon inquiétude m’obligea à le chercher. Après avoir parcouru plusieurs routes du bois, je le vis dans un endroit écarté, occupé à regarder quelque chose qu’il avait tiré de son sein. Sa rêverie était si profonde, que j’allai à lui, et que j’eus le temps de considérer ce qu’il tenait, sans qu’il m’aperçût. Quel fut mon étonnement quand je reconnus mon portrait ! Je vis alors que, bien loin de jouir de ce repos que j’avais tant craint de troubler, il était comme moi la malheureuse victime d’une passion criminelle ; je vis Dieu irrité appesantir sa main toute-puissante sur lui ; je crus que cet amour, que je portais jusqu’au pied des autels, avait attiré la vengeance céleste sur celui qui en était l’objet. Pleine de cette pensée, je vins me prosterner au pied de ces mêmes autels ; je vins demander à Dieu ma conversion, pour obtenir celle de mon amant. Oui, mon Dieu ! c’était pour lui que je vous priais, c’était pour lui que je versais des larmes, c’était son intérêt qui m’amenait à vous. Vous eûtes pitié de ma faiblesse ; ma prière, tout insuffisante, toute profane qu’elle était encore, ne fut pas rejetée ; votre grâce se fit sentir à mon cœur. Je goûtai, dès ce moment, la paix d’une âme qui est avec vous, et qui ne cherche que vous. Vous voulûtes encore me purifier par des souffrances ;