Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/302

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tenus cachés derrière les arbres. Ils se crurent en danger. L’Américain qu’ils avaient ramené s’aperçut de leur défiance, et s’efforça de les rassurer. Mais, quelque nouveau tumulte ayant fait renaître leurs soupçons, la crainte d’être prévenus leur fit prendre le parti de se sauver ; et pour se faire redouter de ces barbares, ils en blessèrent deux de quelques coups de sabre : tous les autres prirent la fuite en jetant leurs arcs et leurs flèches. Ce fut la première fois que les Castillans firent couler le sang dans le Nouveau-Monde.

Cependant l’ennui d’une si longue navigation, autant que le mauvais état des caravelles qui faisaient beaucoup d’eau, déterminèrent l’amiral à prendre directement la route de l’Europe. Les voiles furent tournées au nord-est le 16 janvier, et l’on découvrit plusieurs petites îles que personne ne fut tenté de reconnaître. La route fut heureuse jusqu’au mardi 12 février, quoique assez incertaine par la variété des observations et du jugement des pilotes. Mais, après avoir fait environ cinq cents lieues, les deux caravelles essuyèrent une si furieuse tempête, que le naufrage leur parut inévitable. On fit diverses sortes de vœux pour obtenir la protection du ciel. Enfin l’amiral, croyant toucher au dernier moment de sa vie, et s’affligeant moins d’un malheur dont il ne pouvait se garantir que de la perte de ses mémoires, qui allait rendre son voyage inutile à l’Espagne, prit le parti de les réduire en peu de lignes