Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/312

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blée depuis long-temps. Aussitôt qu’il aperçut leurs majestés, il courut se prosterner à leurs pieds pour leur baiser la main ; mais Ferdinand le fit relever, et lui ordonna de s’asseoir sur une chaise qui lui avait été préparée : après quoi il reçut ordre de raconter à haute voix ce qui lui était arrivé de plus remarquable. Il parla d’un air si noble, que son récit parut charmer toute l’assemblée. Tout le monde se mit ensuite à genoux à l’exemple du roi et de la reine, qui rendirent grâce au ciel les larmes aux yeux, et les hymnes de joie furent chantés par la musique de la chapelle : hymnes de funeste augure, qui servaient comme de prélude aux gémissemens funèbres dont bientôt allait retentir ce nouvel et malheureux hémisphère, qui ne fut connu de l’autre que pour se voir peu de temps après couvert de deuil et souillé de carnage.

Depuis ce grand jour, le roi ne parut point dans la ville sans avoir à sa droite le prince son fils, et Colomb à sa gauche. Tous les grands, à l’exemple du souverain, s’accordèrent à combler d’honneurs l’amiral vice-roi des Indes. Le cardinal d’Espagne, Pierre Gonzalès de Mendoze, aussi distingué par son mérite que par son rang et sa naissance, fut le premier qui le traita dans un festin, où non-seulement il lui fit prendre la première place, mais le fit servir à plats couverts, avec ordre de ne lui rien présenter dont on n’eût fait l’essai ; ce que tous les seigneurs observèrent en le traitant