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été mis en terre qu’à la fin de janvier, était en épis. Tout germait en trois jours, et la plupart des fruits étaient mûrs dans l’espace de trois semaines. Cette extrême fertilité du terroir venait de l’admirable température de l’air, et des eaux, qui pénétraient aussitôt les germes, et qui fournissaient une nourriture continuelle aux racines.

Cependant ces secours ne suffisant point à la subsistance de la colonie, on y était menacé de toutes les extrémités du besoin. Les provisions qu’on y avait apportées touchaient à leur fin. La chaleur et l’humidité, qui servaient si promptement à la végétation des plantes, corrompaient les vivres de l’Europe, que d’ailleurs on n’avait pas assez ménagés dans la navigation. La farine commençant à manquer, il fallut dresser des moulins pour moudre le blé. Ce travail demandait de la vigueur. Les soldats et les ouvriers, qu’on avait occupés sans relâche à bâtir la ville, étaient faibles ou malades. L’amiral se vit obligé d’employer les bras de la noblesse ; humiliation insupportable pour des volontaires qui ne s’étaient embarqués que par des motifs de fortune et d’honneur. Les mécontentemens éclatèrent ; et la violence, qui parut nécessaire pour les apaiser, ne servit qu’à les aigrir. Boyl, chef des missionnaires, fut un des plus emportés : il traita l’amiral de cruel. La principale cause de sa haine, qui ne fit qu’augmenter de jour en jour, paraît avoir été le chagrin de n’être pas excepté dans le retranchement des vivres : mais la sévérité néces-