Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/355

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rope sur cette côte. Les Castillans firent une décharge de l’artillerie, qui causa une frayeur extrême aux Américains ; mais Anacoana, remarquant que l’adelantade ne faisait qu’en rire, fut la première à les rassurer, et monta gaîment sur le tillac.

Les historiens s’accordent à relever le mérite de cette femme, que nous verrons bientôt indignement traitée par ceux qui croyaient ne lui devoir alors que de la reconnaissance et de l’admiration : ces mêmes historiens ont la bonne foi de rapporter un trait qui fait voir combien il eût été facile de gagner par la douceur un peuple qui paraissait sensible et généreux. Dans un des combats qui commençaient à devenir fréquens entre les Espagnols et les Américains, on avait enlevé la femme d’un des principaux seigneurs du pays. Son mari fut si désespéré de sa perte, que, sans redouter le péril qui le menaçait lui-même, il vint se jeter aux genoux de Barthélemi, et il le conjura, les larmes aux yeux, de lui rendre une femme qui lui était plus chère que la vie. L’adelantade fut touché de cette tendresse ; il lui rendit sa femme sans exiger aucune rançon. Ce bienfait ne fut pas perdu pour les Castillans : ils furent surpris de revoir bientôt ce bon Américain avec quatre ou cinq cents de ses sujets, dont chacun portait un coas, espèce de bâton brûlé qui leur servait à remuer la terre. Il demanda un terrain pour le cultiver : son offre fut acceptée ; et le travail de ses