Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/357

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danger leur parut extrême. Ils s’efforcèrent en vain de mouiller. Les ancres furent enlevées par la force des vagues. Ils avaient trouvé la mer aussi fougueuse en entrant dans le golfe par le canal ; mais ils y avaient eu la faveur du vent, au lieu que, dans le passage où ils se voyaient engagés, le vent, avec lequel ils espéraient sortir, s’étant calmé tout à coup, ils demeuraient comme livrés à l’impétuosité des flots, sans aucun moyen d’avancer ou de retourner dans le golfe. L’amiral sentit la grandeur du péril. Il confessa que, s’il en était délivré par le ciel, il pourrait se vanter d’être sorti de la gueule du dragon, et cette idée fit donner au détroit le nom de Boca del Drago, qu’il a conservé jusque aujourd’hui. Enfin la marée perdit sa force, et le courant des eaux douces du fleuve jeta les trois vaisseaux en haute mer.

De la première terre de la Trinité jusqu’au golfe, qui fut nommé golfe des Perles, on n’avait pas compté moins de cinquante lieues. L’amiral suivait la terre qu’il prenait pour celle qu’il avait nommé île de Gracia, et fit le tour du golfe, dans la vue d’approfondir si cette grande abondance d’eau venait des rivières, suivant l’opinion des pilotes, mais non pas suivant la sienne ; car il ne pouvait s’imaginer qu’il y eût un fleuve au monde qui produisit tant d’eau, ni que les terres qu’il voyait en pussent fournir autant, à moins qu’elles ne fussent la terre ferme. Il trouva sur cette côte quantités d’excellens ports et plusieurs caps