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TEXTES SURREALISTES

Mais, douleur, ma main s’est consumée et du tas de cendres sort un pingouin grotesque qui ne porte aucun insigne.

D.L.:

Je suis allée dans une chanson verte qui bleuisait de champaradis. J’y ai trouvé une gloriole en chemin qui, en m’offrant le bras, cognait un écureuil de cire. Il avait une patte de lièvre et jonglait glorieusement son avant-scène au singe-métaphore. Cirque de fantaisie, le Champaradis fleurissait sa baignoire et alla la promener en furibonde de contrebande. Chemin faisant il fut assailli par l’éléphantimage, qui, après une lutte au bord de la quelconque route s’en alla en faisant frénétiquement des signes de croix. Le paradis quitta alors le champ terrestre et se vaporisa en ce lieu qu’on sait, et comme pour être du ridicul-sauvage. D’avant tout est en écharpe de léopard l’éléphant-image s’ignora du lendemain au lendemain et toujours plus vite de manière qu’il ne resta finalement plus qu’une seule veille translucide et burlesque qui lut nommée « Beige des Prés ». Des baisers en cascade et au rouleau de phonographe y figuraient cl noblement vinrent s’agenouiller devant l’étrange Baiehistoire qui vient d’être racontée.

Bleudivoire et Satinlouclic étaient deux copain-copine. Ils sont nés tous deux un lundi : ce qui n’est pas suffisant. Bientôt ils iront en fuite enseml’elll Kl.;-

ble pour mieuxse quitter, car Satinlouche aime le vinaigre et Bleudivoire la messe.Chemin chemine, par vagabond et par Montrouge, la vieille chicane qui revient encore et l’innombrable saut du diable s’écorche les cuisses pour s’agrafter un pan de nuage le long des hanches. Pour tout cela n’est pas une excuse et mieux vaudrait escalader le ciel carrément et avec franchise. Mais trop de malveillance et d’éternels retours en toutes ces nuits innombrables balancent toujours ma cervelle échaffaudée et pour ce qui est de la vanité, Satinlouche l’a prise en une telle affection que les chauves-souris s’en battent en duel. Néanmoins les cascades vermoulues d’une autre sphère reparaissaient constamment devant mes fenêtres isolées et l’irréprochable oubli vint les fermer violemment.Si vite la funèbre destinée de ces deux êtres r.cs un lundi vient s’accrocher à la mienne et je suis encore a les traîner chacun d’une main.

La suppression de l’esclavage

Les peuples qui luttent pour leur indépendance, quand ils auront sauvé leur sol,leurs traditions, leurs coutumes et leur religion,s’apercevrontqu’ilssont capables de se débarrasser de tous leurs maîtres,étrangersou nationaux, l.e«ouidela libertévienten combattantpour elle.Beaux civilisateurs,depuis.lésusjusqu’il ce jeune el brillant aviateur,gauloisdevantdestêtescoupées,la fin de votre règnemarqueraledébutdel’émancipation totaledel’homme

et de l’esprit.I.a suprématiede l’Europene s’appuieque sur les armes et la croix, la croix au service des armes, mais les boulines dominés ne montrent aux conquérants qu’un masque impassible derrièrelequella penséese nourrit d’elle-même,

avec toute la force de la haine.Desbrûles, mais des brutes plus dangereuses

encore pour vous que vos

pires évnilgélistcs

puisqu’elles

ne sont sensibles qu’à elles-

mêmes cl quevousportezenvousle néant dans lequel elles vous précipiteront.

Comment voudriez-vous que les plus stoïques d’entre ces esclaves supportent éternellement les cruautés imbéciles de la décadence

blanche: en Egypte et aux Indes, les Anglais ont passé toute mesure et la révolte gronde,touslesIntel’ leclurlss’insurgentcontrePAngleterre s en IndoChine

le blanc n’est qu’un cadavre et ce cadavre jette ses ordures nu ni-/(lu .hume: à .lava,le Hollandais bouffi vante le nombre de ses domestiques,

mais(lelenipsà autreoul’égorgé

el l’ongardepieusementle souvenir de l’ieler Ki-bcrveld qui, déjà en 1712:2.

rêva d’une hécatombe générale;partout en Afrique l’homme est plus battu qu’un chien; quand on libéra les esclaves de la Martinique et de la Guadeloupe, quand ceux-ci massacrèrent

sans pitié les colons,brulén-nl

tout, l’armée eut peur et n’intervint pas; on suit au Maroc l’exemplede la campagne de Chine: l’ordre est donné de tirer sur les laboureurs qui ensemencent aux environs des

poslesel de ne pas spécifier le sexe et l’âge en Indiquant le nombre des dissidents tués ou blessés ; partout desmis.ion noires et des soldats, des corbeaux et des chacals, les uns couvrant les autres de leurs ténèbres,mais partout aussi des révoltes, des incendies,des empoisonnements, partout

des attentats et des complots. Anglais, Français, Hollandais, Italiens, Espagnols, peuples des grandes mers, peuples d’Extrême-Occident,

ce n’est pas en tout cas dans vos colonies que vous trouverez un refuge quand la masse de l’Orient fondra inexorable sur vous, la masse de votre Orient, de ces pays sans colonies plus libres, plus forts et plus purs que vous : l’Allemagne,

la Russie, la Chine. Ce jour-là toutes les banques du Christianisme

seront fermées,le signe de

l’aube remplacera au ciel et dans les esprits le signe du supplice, aucune parole ne sera plus soumise à la matière et les hommes de toutes couleurs seront absolument libres sous le regard adorable de la liberté absolue.

PAUL ELUARD