Page:La Révolution surréaliste, n03, 1925.djvu/5

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qu’elle faisait. L’air étant plein d’un ron ron lapidaire comme la lumière qui l’emplissait. Mais le phare parfois ratait l’appareil. A la fin, nous ne fûmes plus que deux ou trois sur les ailes de la machine. L’aéroplane pendait au ciel. Je me sentais dans un équilibre odieux. Mais comme la mécanique se renversait, il nous fallut faire un tour dans le vide en nous rétablissant sur des anneaux. A la fin l’opération réussit, mais mes amis étaient partis ; il ne restait plus que les mécaniciens ajusteurs qui faisaient tourner leurs vilbrequins dans le vide. A cet instant, un des deux fils cassa :

Arrêtez les travaux, leur criai-je, je tombe ! Nous étions à cinq cents mètres du sol.

Patience, me répondit-on, vous êtes né pour tomber

11nous fallait éviter de marcher sur les ailes de la machine. Je les sentais pourtant résistantes sous moi.

C’est que si je tombe, hurlai-je, je savais bien que je ne sais pas voler. Et je sentis que tout craquait. Un cri : « Envoyez les lancets ! » Et immédiatement f imaginai mes jambes saisies par le coup de rasoir du lasso, l’aéroplane quitter mes pieds, et moi suspendu dans le vide, les pieds au plafond.

Je ne sus jamais si celait, arrive. If

Et immédiatement,j’en arrivai à la cérémonie matrimoniale attendue. C’était un mariage où on ne mariait que des vierges, mais il y avait aussi des actrices, des prostituées ; et pour arriver à la vierge, il fallait passer un petit fleuve, un cours d’eau hérissé de joncs. Or les maris se renfermaient avec les vierges et les entreprenaient immédiatement.

Une entre autres. TJIUSvierge que les autres, avait une robe à carreaux clairs, des cheveux frisés. Elle fut possédée par un acteur connu. Elle était petite et assezforte. Je regrettai qu’elle ne m’aimât pas.

La chambre dans laquelle on la mit avait une porte qui fermait mal, et à travers la fente de la porte j’assistai à son abandon. J’étais d’ailleurs assez loin de la fente, mais de tous les gens qui étaient dans la salle nul autre que moi ne s’occupait de ce qui se passait dans la chambre. Je la voyais déjà nue et debout, et j’admirais comment son impudeur était enveloppéede fraîcheur et d’une espèce de décision résolue. Elle sentait très bien son sexe, mais comme une chose absolument naturelle et normale à ce moment-là : elle était avec un jeune mari. Et donc nous la .poursuivîmesen bateau.

III

Nous étions trois en robe de moine, et comme suite à la robe de moine, Max Jacob arriva en petit manteau. Il voulait me réconcilier avec la vie, avec la vie ou avec lui-même, et je sentais en avant de moi la masse morte de ses raisons. Auparavant, nous avions traqué quelques femmes. Nous les possédions sur des tables, au coin des chaises,dans les escaliers,et l’une d’elles était ma soeur.

Les murs étaient noirs, les portes s’y découpaient nettement, et laissaient percer des éclairages de caveaux. Le décor tout entier était une analogie volontaire et créée. Ma soeur était couchée sur une table, elle était déjà grosse et avait beaucoup de manteaux. Mais elle était sur un autre plan que moi-même dans un autre milieu.

Il y avait des tables et des portes lucides, des escaliers. Je sentis que tout cela était laid. Et nous avions mis des robos longues pour masquer notre péché.

Or ma mère arriva en costume d’abbesse. Je redoutai qu’elle n’arrivât. Mais le manteau court de Max Jacob démontrait qu’il n’y avait plus rien à cacher.

11avait deux manteaux, l’un vert et l’autre jaune, et le vert était plus long que le jaune. Ils apparurent, successivement. Nous compulsâmes nos papiers.

Paul Eluard :

i

Au lieu d’une fille, j’ai un fils. Il s’est: tiré une balle dans la tête, on l’a pansé, mais on a oublié de lui enlever le revolver. 11a recommencé. Je suis à table avec tous les gens que je connais. Soudain, quelqu’un que je ne vois pas arrive et me dit : « Ton fils s’est tiré sept balles dans la tête, mais il n’est pas mort. » Alors seulement, un immensedésespoirm’envahit et je medétourne pour qu’on ne me voie pas pleurer. 2

Je feuillette Le Journal littéraire, d’ordinaire sans intérêt. Le numéro que j’ai dans les mains contient de nombreuses photographies de généraux et de camps d’Afrique. A la dernière page une grande photographie intitulée : « L’Armée française » représente trois soldats, l’un derrière l’autre ; mais, entre le premier et le second se trouve ma femme habilléeà la mode excentrique de IQOOet qui tient à la main une ombrelle ; sur le côté un général Boër avec une longue barbe,