Page:La Révolution surréaliste, n03, 1925.djvu/6

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une redingote et un chapeau haut-de-forme. J’apprécie vivement.

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G... a été coquette avec son voisin; elle a même été jusqu’à lui proposer sa photographie et son adresse— sur un ton méprisantil est vrai. Nous sommes alors devant la gare du Nord. Je tiens un pot de colle et, furieux, j’en barbouille le visage de G..., puis je lui enfonce le pinceau dans la bouche. Sa passivité augmente ma colère,je la jette en bas des escaliers,sa tête résonnesur la pierre. Je me précipiteet constate qu’elle est morte. Je la prends alors dans mes bras et pars à la recherche d’une pharmacie. Maisje ne trouve qu’un bar qui est à la fois bar, boulangerieet pharmacie. Cet endroit est complètement désert. Je dépose G... sur un lit de camp et m’aperçois qu’elle est devenue toute petite. Elle sourit... Ma douleur ne vient pas de sa mort, mais de l’impossibilitéde pouvoir la rendre à sa taille normale,idée qui m’affolecomplètement.

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Ce jour-là, je reçois, dans un jardin comme je les aime, diverses notabilités, notamment la Présidentede la République,une grande femme très belle, à peu près à l’image conventionnelle de Marianne.Nousnous promenonsavec sa suite dans des allées bordéesde buis et d’ifs très bien taillés. Au bout d’une allée, une grande porte composée dans sa surface de plusieurs autres portes, une dorée, une rouge, une noire, une verte et, au milieu, la plus petite, blanche.Tous les gens qui m’accompagnentont chacun une clef différente. Je dois deviner quelle est la bonne, sinon tout le monde s’en ira. Je proposede la jouer aux cartes. Refus. Et ce n’est plus la Présidente, mais le Président de la Républiqueque j’ai à mes côtés. 11 s’en va. Je J’accompagne poliment.

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Une jeune femme d’apparence très malheureuse vient: me voir à mon bureau. Elle tient dans ses bras un enfant:nègre. Nous ne parlons pas, je cherche comment cette femme assez jolie mais si pauvre peut avoir un enfant de cette couleur. Mais soudain elle s’avance vers moi et m’embrassesur la bouche.J’ai alors l’impression, mais seulement:l’impression,de tout comprendre. 6

C’est sur un trottoir de Paris, dans une rue déserte, que je la rencontre.Le ciel,d’une couleur indécise, me donne le sentiment d’une grande liberté physique. Je ne vois pas le visage de la femme qui est de la couleur de l’heure, mais je trouve un grand plaisir à ne pas détacher mes regards de l’endroit où il est. Il me semblevraiment passer par les quatre saisons.Au bout d’un long moment, la femme défait lentement des noeuds de rubans multicolores qu’elle a sur la poitrine et sur le ventre. Son visage apparaît alors, il est blanc et dur comme le-marbre. Pierre Naville :

I

Je me promène en compagnie de personnes indistinctes qui sont celles que précisément je cherche. Nous arrivons à une place d’où s’échappent de petites rues bordéesde maisonstrès br,uvantes; il fait une couleur d’aquarium. A l’entrée d’une de ces rues se tient une barrière de personnes, puis, à quelque distance, une autre. Dans l’espace vide entre ces deux foules, il y a sur la droite un comptoirderrièrelequel se trouve une femme (?) sans particularité aucune, qui expliquequelque chose.Sur le comptoir,une verge coupéelongitudinalement,sembleservir de sujet de conversation.Sur la gauche,on emmène un hommedéfaillant.Tous sont vêtus de couleurs très claires. L’atmosphère est calme. Bien que placéloin derrière tout le monde, je voistrès bien tous les détails de la scène. On dit : « C’est qu’il a voulu... » Cette phrase m’excite beaucoup.Je me jette dans la maison à droite ; au sous-sol, il y a un dancing; à mon entrée, toutes les femmes,très fardées,et qui se ressemblentétrangement, se lèvent. L’orchestrejoue, tout cherche à m’entraîner. Mais je désire indistinctement quelqu’un. Je remonte. Au premier étage, même scène.Les femmesse ressemblenttoujourstoutes. La maison occupetout le champ de mon inquiétude. Et les personnesqui me suivaient,qui sont celles que je cherche, sont quelque part ici. Il me semble avoir cru reconnaître la voix de S. B.

II

Un homme jeune, vêtu assez pauvrement, est debout contre un des piliers soutenant la ligne du métropolitain qui passe boulevard Pasteur. Commeje le croise, il m’arrête et me questionne sur la technique de la peinture ; je lui donne tous les renseignementsque je suis capable de lui fournir et je m’apprête à continuermon chemin. Mais il me retient en disant à peu près : « Et puis, je dois vous dire aussi, j’aime une femme,mais elle me repousse... » 11a l’air navré, et je suis pressé de m’éloigner. Avant de le quitter, et pour paraître compatir à son chagrin, sans doute, je lui demande son nom : « A l’occasion, nous pourrons nous revoir », ajouté-je. Il me répond : « Werther ». A l’ouïe .de ce nom, j’entre dans une violente colère, mais je reste sur place à gesticuler en disant : « Ah non, par