Page:La Révolution surréaliste, n07, 1926.djvu/19

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POEMES ’7 on ne saura plus très bien On n’aura juste te temps de regarder uns fois et de dire au revoir et puis il n’y aura plus rien du tout la terre sera couchée et la mer s’élèvera dans l’aube bleue Encore trois jours pour penser à ceux qui restent et qui étaient comme des membres qu’on ne pouvait détacher de soi sans souffrir et voilà voilà mon corps qui se brise en mille morceaux à cause de l’éclatement de l’impatience et qui devient comme un peuple de fourmis que tout l’air rend ivres. Trois jours que cette tempête crache et vomit tout ce qu’elle a avalé sur sa route trois jours que rien, n’est plus sacré pour ceux qui étaient bien tranquilles au coin du feu et qui maintenant ont peur que tout ce qu’ils possédaient leur dégringole sur le crâne Trois jours que cette mer qui sifflait pour charmer les voyageurs se bat contre cette terre qui allait la nourrir et qui se dresse aujourd’hui pour chasser tous ceux qui voulaient oublier leur pays Maintenant il semble qu’une heure une treizième heure ait sonné et on ne l’attendait Tout ce monde qu’on allait quitter tremble et rage et puis celle qui semblait si bonne si douce a pris une grande colère on la voit qui serre ses milliers de poings et qui les jette en avant pour faire peur Alors il faut attendre encore attendre les secondes et les journées qui glissent tout de même On a plus besoin de s’accrocher ni au sable ni à la mémoire on est cloué là. comme un vieux papier contre un mur On regarde ce qui se passe dans la rue à travers la vitre d’une fenêtre on en ferme les yeux et on entend le morceau de musique que joue le vent avec ses coups de rafales et ses flûtes dans les fentes Allons Allons on trouvera bien de quoi se consoler Ce n’est pas la peine tout de même de se tourmenter et de croire que tout cela va finir d’un seul coup On rira encore un peu et puis on boira beaucoup tellement que la terre et la mer tourneront comme elles le font tous les jours et toutes les nuits Allons /liions ce n’est pas la peine de pencher la tête et de se dire comme je suis malheureux et de faire des choses et des choses qui ne serviront pas On n’a qu’à se laisser glisser comme ça dans le sommeil et dans la fatigue et puis oublier tout ce vent qui rage parce qu’il est tout de même impuissant et qu’il ne fera pas cette fois encore crever la terre Allons Allons mettons nos gants nos manteaux et -nos drapeaux en attendant la, pluie et la nuit en attendant le départ Voilà la mer et bientôt le soleil Voilà la mer et cette brise qui, est sucrée Voilà une dernière fois la terre qui se secoue comme un. chien couvert de puces Philippe SOUPATJLT.