Page:La Saga de Gunnlaug Langue de Serpent, trad. Wagner, 1899.djvu/105

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trancha un pied. Cependant celui-ci ne tomba pas pour la cause ; il se retira vers le tronc d’un arbre et s’y appuya. Alors Gunnlaug dit : « Te voilà incapable de lutter, » dit-il ; « aussi je ne veux pas me battre plus longtemps avec un homme mutilé comme tu l’es. » Hrafn répondit : « Il est vrai, » dit-il, « que le sort m’a joué un bien vilain tour ; cependant, si je pouvais avoir à boire, cela me ferait encore du bien. » — « Mais ne me trompe pas, » reprit Gunnlaug, « si je t’apporte de l’eau dans mon casque. « Hrafn répondit : « Je ne te tromperai pas. » Là-dessus, Gunnlaug s’en alla sur le bord d’un ruisseau, puisa de l’eau dans son casque et l’apporta à Hrafn. Celui-ci tendit la main gauche et de l’épée qu’il tenait de la main droite il frappa sur la tête de Gunnlaug qui en reçut une très grave blessure, « Tu m’as indignement trompé, » s’écria Gunnlaug, « et tu as agi d’une façon d’autant plus infâme que j’avais confiance en toi. » Hrafn répondit : « C’est bien vrai ; mais ce qui m’a poussé à le faire, c’est que je ne supporte pas que tu embrasses Helga la Belle. » Sur ces mots, ils s’attaquèrent de nouveau avec rage et la lutte se termina par la victoire de Gunnlaug sur Hrafn. Ce dernier y laissa la vie. Les guides du jarl s’avancèrent et pansèrent la blessure que Gunnlaug portait à la tête. Celui-ci était assis pendant ce temps et dit cette strophe :

« Le valeureux qui suscite la tempête des armes, Hrafn, le tronc de l’assaut, ce champion, véritable rempart de l’armée, nous a maintes fois vaillamment attaqué au milieu du fracas des lances ; ici, sur les rochers de Dinganes, les épées frémirent violemment ce matin autour de Gunnlaug[1]. »

  1. Gunnlaug s’adresse à l’un des guides et vante la bravoure de Hrafn. Le valeureux qui suscite… = le héros ; le tronc de l’assaut = le vigoureux lutteur.