Page:La Saga de Gunnlaug Langue de Serpent, trad. Wagner, 1899.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

II

En été Thorstein fit ses préparatifs pour se rendre au thing. Avant de partir, il alla trouver Jofrid, sa femme, et lui dit : « Voici ce qu’il en est, » dit-il ; « tu es enceinte ; l’enfant sera exposé, si c’est une fille ; mais si c’est un garçon, tu l’élèveras. » Il existait en Islande, aux temps où elle était toute payenne, une sorte de coutume qui permettait aux gens pauvres et possédant un grand nombre d’enfants encore jeunes, de faire exposer leurs nouveau-nés ; on trouvait cependant que c’était mal agir[1]. Quand Thorstein eut ainsi parlé, Jofrid répondit : « C’est un langage peu digne d’un homme comme toi ; tu ne peux pas vouloir mettre ce projet à exécution, toi qui possèdes tant de richesses et d’amis. » Thorstein reprit : « Tu connais mon caractère et tu sais ce qu’il en coûte à celui qui n’observe pas mes ordres. » Ensuite il partit pour assister au thing. Dans l’entretemps Jofrid donna naissance à une fille souverainement belle. Les femmes voulurent amener l’enfant auprès d’elle ; mais elle prétendit que c’était inutile. Elle fit appeler le gardien de ses troupeaux, qui s’appelait Thorvard, et lui dit : « Prends mon

  1. Les mœurs payennes, en effet, permettaient au père de famille d’exposer son enfant nouveau-né ; cependant, c’est là un droit dont il n’usait que rarement et dans des cas exceptionnels.