Page:La Vie littéraire, I.djvu/375

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fond de dédain. René Vinci est plus jeune et plus candide. Une goutte de white rose suffit à l’enivrer ; il aime le luxe des femmes. Si c’est un tort, qu’il lui soit pardonné : il aime, il souffre. Oui, il aime une madame Moraines, dont M. Paul Bourget a fait un portrait terriblement vrai. On la voit, on la sent, on la respire, cette femme aux traits déliés, à la bouche spirituelle, aux formes à la fois fines et robustes, et cachant sous les grâces d’une apparente fragilité l’ardente richesse de sa nature. On la voit si bien qu’on chicanerait volontiers le peintre sur tel et tel détail. Tous, tant que nous sommes, nous serions tentés, je le gage, de changer quelque chose, deçà, delà, à la nuance des cheveux, à la couleur des yeux, pour adapter cette figure à quelque souvenir ou tout au moins à quelque confidence…

Quand je parle de portrait, on se doute bien que j’entends parler surtout d’un portrait moral, puisque l’artiste est M. Paul Bourget. Ce portrait est vrai, il est vrai de cette grande vérité de l’art qui atteint du premier coup l’évidence. Que dites-vous de ceci par exemple ?

« Elle appartenait, sans doute par l’hérédité, se trouvant la fille d’un homme d’État, à la grande race des êtres d’action dont le trait dominant est la faculté distributive, si l’on peut dire. Ces êtres-là ont la puissance d’exploiter pleinement l’heure présente, sans que, ni l’heure passée, ni l’heure à venir trouble ou arrête leur sensation. L’argot actuel a trouvé un joli