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NOTICE SUR LE GONIDEC


Quelques jours avant sa mort, M. le Gonidec, recueillant le peu de forces que lui avaient laissées cinq mois de maladie, revoyait sur son lit les dernières épreuves de sa Grammaire celto-bretonne. Quand le texte entier fut composé, un ami, qui surveillait et hâtait cette impression, réunit en un volume les feuilles éparses qu’on présenta au savant philologue. Le génie de sa langue natale était fixé dans ce livre : il l’ouvrit, et le parcourut en silence ; puis, d’un air satisfait, le tint quelque temps fermé entre ses mains. — Ce dernier trait résume, bien la vie d’un homme dévoué à une seule idée. Il connaissait le prix de son travail, et se félicitait en mourant de l’avoir accompli.

Oui, quelles que soient vers l’unité de langage ks tendances de la philosophie, ceux-là ont bien mérité, qui surent conserver, en pénétrant leurs principes, les formes variées qu’a revêtues la pensée humaine. Le Gonidec l’ut de ce nombre : il peut s’appeler le restaurateur de la langue et de la littérature celto-brelonnes. Grammaire, dictionnaires, et textes de langue, sou œuvre embrasse tout, et ses livres, si chers à son pays, ne se recommandent pas moins par leur saine critique aux érudits de toute l’Europe ; disons mieux, ils se recommandent par le sujet comme par la méthode, puisque les civilisations modernes recouvrent en bien des lieux des origines celtiques.

La France, qu’on nous accorde ces préliminaires, a trop oublié la Gaule. Et cependant la France trouverait encore en Armorique la source première de sa langue, j’ajouterais de son ancienne littérature, s’il fallait ici entourer le grammairien breton des vieux bardes, ses devanciers. Et qui niera devant les noms d’Hoel et d’Arthur, le chef gallois, que le mouvement poétique des sixième et septième siècles ne fût dans les deux Bretagnes ? Il est vrai, les poèmes d’Armorique, comme les hymnes francs recueillis par Charlemagne, sont perdus ; mais les rimeurs du moyen-âge, Chrestien de Troyes, Regnaud, Robert Wace, ne cachent pas leurs emprunts à ces poèmes, moult anciens, dit Marie de France.

Bons lais de harpe vous appris,

Lais bretons de notre pays :

ajoute le traducteur de Tristan le Léonnais. N’est-ce pas la veille de la bataille d’Auray que Du Guesclin consulta les Prophéties de Merlin ? Sous la Ligue ou chantait encore le Graalen-Môr, qui a tant fourni aux romans de la Table-Ronde ; et l’on chante toujours :

Ar roué Graalen zô enn Iz bez.