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fin de roman

pièce, car il éprouvait une grande fatigue dans la tête, un impérieux besoin de s’étendre et de se reposer. Alors, rapidement, il se dévêtit et la fille en fit autant. En se mettant au lit, M. Petipas plia son pantalon et le mit sous son oreiller. Geste imprudent. Et tout aussitôt, il constata qu’il était avec une cavale poussive, avec une femelle usée et fourbue. Tout simplement, elle s’abandonna comme elle s’était livrée à tant d’autres mâles. Réellement, l’homme n’avait aucune satisfaction et il regrettait maintenant d’avoir ramassé cette traînée à moitié ivre qui n’était qu’une paillasse. Il restait là, déçu, hargneux, l’esprit amer. Mauvaise fin de journée. Avec cela, ce lit étranger lui était bien désagréable. Soudain, vidé qu’il était et écrasé par le malheur, il croula dans un lourd sommeil de brute, un peu comme un homme pris de boisson. Il dormit profondément. Des heures coulèrent et le dormeur fut pris de cauchemar. Il s’éveilla, mais il avait encore les esprits confus, embrouillés. Puis, les ténèbres intérieures se dissipèrent et il se rappela ce qui était arrivé : son voyage à la campagne, son imprimerie endommagée par le feu, la femme… Instinctivement, il étendit le bras pour la sentir à côté de lui. Il ne la trouva pas ; elle n’y était pas. Inquiet, il se leva, fit de la lumière. Il était seul dans la chambre. La femme était disparue. Alors, il voulut regarder l’heure. Sa montre, qu’avant de se coucher, il avait déposée à côté du lit sur une chaise, n’y était pas non plus. Alarmé, ses mains comme une paire de griffes s’abattirent à la tête du lit, à l’endroit où était le pantalon contenant son argent. La culotte n’y était plus. L’esprit bouleversé, en déroute, il cherchait parmi les oreillers, les couvertures. Inutilement. Le vêtement et la liasse de billets de banque qu’il renfermait s’étaient envolés avec la femme et sa montre. Le désastre