Page:Labiche - Théâtre complet, Calman-Lévy, 1898, volume 02.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

payer des créanciers… neuf… qui se moqueront de lui… dix… et de moi… onze… (Frappé d’une idée.) Tiens ! si je consultais François ?… À quoi bon ?… Après tout, je ne suis pas chargé de rembourser les bateaux de ce monsieur, moi !… J’ai une femme… des enfants… c’est-à-dire… et j’irais compromettre leur patrimoine ?… Non ! ce serait trop bête ! (Il remet vivement les billets dans sa poche.) Je vais lui écrire… Après tout, je défends mon bien !… je ferme les serrures !… (Il se met à la table et écrit.) « Mon cher ami, une catastrophe imprévue m’empêche de te prêter les cinquante mille francs que je t’ai promis… C’est pour moi un chagrin dont je ne me consolerai jamais… À toi de tout cœur… » Ça se met toujours quand on refuse !

Il sonne.
JOSEPH.

Monsieur a sonné ?

BLANDINET.

Cette lettre à son adresse… tout de suite…

JOSEPH.

Y a-t-il une réponse ?

BLANDINET.

Non… vous ne l’attendrez pas !

JOSEPH.

Bien, monsieur ; je prends mon chapeau et j’y vais tout le suite.

Il sort.
BLANDINET, seul.

Ah ! ah ! que c’est mal, ce que je viens de faire là !… c’est lâche !… c’est méchant !… c’est cruel !… un vieil ami ! (Appelant.) Joseph ! (Se ravisant.) Eh bien, tant mieux !… c’est bien fait !… je deviens coquin ! je me bronze !… comme les autres !

Joseph traverse le fond et se rencontre avec Aubertin.