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et la nation la plus libre serait-elle en même temps la plus heureuse ? L’homme est-il naturellement bon, comme le croyait Penn, et la liberté résout-elle le problème, ou bien, comme le prétend de Maistre, est-ce une nature déchue qui ne se maintient que sous la main du bourreau, et l’autorité doit-elle avoir toujours le premier et le dernier mot ? Les faits ont répondu, et à la gloire du paisible quaker.

Cette forme de gouvernement, que la singularité d’un quaker-roi recommandait à l’attention, explique et justifie l’admiration du dernier siècle pour la république de Pensylvanie. Penn était, pour les écrivains du xviiie siècle, un philosophe beaucoup plus qu’un chef de secte, un ami de l’humanité plutôt qu’un chrétien. Philadelphie, c’était la cité de la tolérance ; la Pensylvanie, c’était la terre promise des philosophes.

Aussi ne faut-il pas s’étonner de ce concert d’admiration qui retentit de toutes parts.

« C’était un spectacle bien nouveau, écrivait Voltaire, qu’un souverain que tout le monde tutoyait, et à qui on parlait le chapeau sur la tête ; un gouvernement sans prêtres, un peuple sans armes, des citoyens tous égaux, à la magistrature près, et des voisins sans jalousie. Guillaume Penn pouvait se vanter d’avoir apporté sur la terre l’âge d’or dont on parle tant, et qui n’a vraisemblablement existé qu’en Pensylvanie[1]. »

  1. Dictionnaire philosophique, v° Quaker.