Page:Laffitte - Le grand malaise des sociétés modernes et son unique remède.djvu/100

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matériel, ses expropriations, représente une dépense moins forte que le défrichement des terres coloniales, et que l’amortissement possible pour l’un en soixante-dix ou quatre-vingts ans, ne l’eût pas été pour l’autre. On n’a pas eu besoin d’être assuré de la possession perpétuelle pour entreprendre des travaux comme les canaux de Suez et de Panama qui ont coûté des centaines de millions et ne reposent que sur des concessions de quatre-vingt-dix-neuf ans.

Nous touchons ici au point capital, à ce droit de perpétuité concédé à la propriété par l’égarement romain. Eh quoi, notre bien le plus précieux, la vie, voit sa durée limitée. Rien, sauf la propriété, n’est éternel ici-bas ! « Quelle est donc la chose autre que la terre qui n’échappe pas à l’homme tôt ou tard ? Combien d’objets frappés du droit incontestable de propriété dont il ne peut faire usage qu’une fois ! C’est la condition essentielle de toute chose mobilière ; la langue répond à cette vérité en faisant du mot user le synonyme de détruire. Je suis assurément propriétaire de mon pain, de mon vin ; et pourtant je ne puis en faire usage sans les anéantir ; de mon cheval, ou de mon bœuf, ou de mes brebis, et cependant ils sont mortels ; de ma carrière, et je ne puis en user qu’un temps : une fois épuisée, elle l’est à jamais. » (Championnière.)

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