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drera plus les sentiments d’égoïsme féroce et de cupidité sauvage que trop souvent elle fit naître ; la propriété perpétuelle emportera avec elle le souvenir des rivalités, des convoitises, des haines, des crimes même que provoquèrent trop souvent les questions de partage ou de bornage. L’âge d’or reviendra avec la terre inaliénable, mais libéralement octroyée à tous ceux qui la cultivent et pour aussi longtemps qu’eux et leurs descendants continueront leur exploitation. Ce n’est pas là une généreuse hypothèse, mais la grande leçon qui se dégage de l’histoire rurale dans tous les pays et à toutes les époques[1].

Il y va de la vie des peuples modernes, de leur intérêt social et économique, que soit réalisé le vœu de Laveleye : « Dans toute société organisée conformément au droit naturel ou plutôt rationnel, tout homme devrait posséder, au moins viagèrement, non précisément un lot

  1. Dans son ouvrage sur l’Évolution de la Propriété, Letourneau a montré que, chez les races peu développées, l’institution de la propriété individuelle, loin d’être une cause de progrès et de civilisation, est au contraire un obstacle à toute évolution supérieure. L’Afrique noire est, depuis bien des siècles, sous le régime de la propriété individuelle et elle n’en croupit pas moins dans la sauvagerie. En des pages éloquentes il oppose ces deux exemples : l’Afrique noire et la dessa javanaise et prouve « qu’au moins chez les races peu développées l’institution trop hâtive de la propriété privée a de funestes effets et que celle de la propriété commune lui est de beaucoup supérieure. La seconde civilise les hommes et en crée ; la première détruit les populations et entrave tout progrès mental et social ».
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