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excédé de mauvais traitements, jusqu’à ce qu’il ait livré ses dernières ressources. Ses récoltes lui sont enlevées, ses bestiaux sont emmenés, ses outils de labourage sont vendus, et ceux qui n’ont pu satisfaire à la rapacité des traitants sont pendus.

Plus tard, au xviiie siècle, si les nobles sont plus humains, si même la mode les rend humanitaires, « ils sont cependant plus odieux que leurs ancêtres, parce que, plus besogneux, ils doivent au train que leur fait mener Versailles, d’être plus exigeants ; là-bas, l’intendant qui, lui, n’est ni humanitaire ni humain, pressure et fait gémir la matière pressurée. »

La Révolution les délivre enfin en proclamant l’abolition des privilèges et l’égalité de tous devant l’impôt. Mais le suffrage universel va bientôt donner au paysan la puissance, puisqu’il est le nombre, et avec la puissance le droit d’abus, puisque l’abus est la condition de tout pouvoir humain. Un jour viendra où, après une guerre ruineuse, le fisc devra sévir lourdement ; le paysan se souviendra alors que pendant seize siècles il paya pour les autres ; comme les rôles sont renversés, les autres payeront désormais pour lui. Ce jour-là est arrivé. L’opprimé d’hier devient l’oppresseur ; les privilèges fiscaux éteints depuis cent trente ans vont revivre en sa faveur.

Qu’il se méfie pourtant. Il n’ignore point

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