Page:Lagardelle - Le Mouvement socialiste Revue mensuelle internationale S1 1908.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
le mouvement socialiste.

militants et non des moindres se demandent s’il n’est pas grand temps d’examiner si l’on doit continuer dans cette voie. La conférence des Bourses, qui s’est tenue à l’issue du Congrès corporatif d’Amiens, avait en quelque sorte déjà « pressenti » cette crise, lorsqu’elle examinait l’éventualité de la création de Fédérations départementales de syndicats[1], dans lesquelles certains voient un dérivatif nécessaire à la crise actuelle.

Mais cette « crise » a des causes précises et ce sont ces causes, directes et indirectes, que je me propose justement d’examiner ici.

Lorsque, vers 1890, les premières Bourses du Travail se créèrent, les militants ouvriers de cette époque songèrent tout d’abord à solliciter des municipalités des subventions.

C’est à la municipalité qu’à Paris, comme à Toulouse, à Saint-Etienne et à Marseille, les commissions ouvrières, qui furent les premiers embryons des conseils d’administration des Bourses, s’adressèrent pour avoir un local où se réunir, d’abord, et ensuite des fonds pour assurer la vie matérielle des nouvelles unions de syndicats[2].

Si l’on examine d’un peu près l’organisation ouvrière à ses débuts, l’on est obligé de reconnaître que ces subventions municipales ne furent pas inutiles : elles contribuèrent à créer dans certaines villes un mouvement syndical aujourd’hui indéracinable, quelles que soient, actuellement ou dans l’avenir, les embûches patronales et gouvernementales alliées, que les organisations ouvrières peuvent avoir à éviter.

Mais, s’il est logique de reconnaître que la pratique des subventions — car ce fut plus une pratique, si j’ose dire, qu’une théorie — ne fut pas sans utilité immédiate, l’on doit avouer que c’est de là que provient en partie, sinon entièrement, la « crise » que subissent actuellement les Bourses du Travail. Il est regrettable que les Bourses n’aient pas plus profité de cette période de vie relativement facile et exempte de soucis pécuniaires pour se préparer une vie autonome plus conforme à la dignité ouvrière et surtout plus

  1. Le problème posé par la création de Fédérations départementales est autre à mon avis. J’essaierai de l’examiner dans cette Revue un jour prochain, car son importance est grande.
  2. Le mouvement syndical de cette époque n’avait pas comme aujourd’hui sa théorie, théorie acquise justement par la pratique et qui s’est seulement affirmée dans ces dernières années, notamment depuis la tentative de déviation ouvrière inaugurée par ce que l’on a justement appelé le « Millerandisme ».