Page:Lagardelle - Le Mouvement socialiste Revue mensuelle internationale S1 1908.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
les bourses du travail et leurs difficultés actuelles.

adaptée au rôle que le syndicalisme entend jouer aujourd’hui dans la société capitaliste.

Il apparaît, en effet, qu’il y a contradiction entre le caractère indéniable d’opposition du syndicalisme actuel et le t’ait de solliciter ou même d’accepter une aide extérieure.

Il faut le dire : le subventionnisme est actuellement la plaie du syndicalisme. Les bourgeois démocrates et radicaux, qui croient atteindre le mouvement ouvrier dans ses racines en supprimant les subventions, créent peut-être un malaise momentané, qu’il est sans doute exagéré de prendre au tragique, bien qu’il gêne le mouvement et l’empêche de se manifester avec toute l’ampleur désirable ; mais ce malaise même nous sauvera, en nous montrant toute la gravité du péril.

À la vérité, cette crise créée par le subventionnisme n’est pas imputable exclusivement aux militants des villes de province, qui ont cru devoir demander aide à leurs municipalités. L’exemple est venu d’en haut, et c’est la plupart du temps sur les conseils même du secrétaire de la Fédération des Bourses du Travail, que ces subventions ont été, au début, sollicitées et obtenues.

Dans une petite brochure rééditée par les soins de la Fédération des Bourses du Travail, signée Pelloutier et intitulée : Méthode pour la création et le fonctionnement des Bourses du Travail, brochure longtemps envoyée aux organisations qui sollicitaient des renseignements pour créer une Bourse du Travail, il est indiqué tout au long, avec commentaire à l’appui, le taux de la subvention à solliciter, proportionnellement à l’importance du milieu ouvrier et des ressources de la localité. De plus, la brochure s’étend sur les moyens propres à obtenir lesdites subventions. Comptant s’attacher les travailleurs, s’en faire — et, reconnaissons-le, s’en faisant par ce procédé — une clientèle électorale facile, les municipalités radicales et socialistes votèrent facilement les subventions, accordèrent les locaux sollicités ou en firent bâtir spécialement.

Tant que les Bourses du Travail se contentèrent d’organiser des bureaux de placement ou de créer des cours professionnels, ou autres services semblables, tant qu’elles se cantonnèrent dans une besogne pacifique, les subventions furent renouvelées et augmentées. Mais du jour où la classe ouvrière, consciente enfin d’elle même, se résolut à la lutte contre ses exploiteurs, lorsque les théories de l’action directe se développèrent, dès lors les municipalités radicales et démocrates, voire même socialistes, se cabrèrent, et les refus de subventions, l’expulsion des locaux jusque-là accordés commença… et continue.