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le mouvement socialiste.

De là, la crise que traversent aujourd’hui les Bourses du Travail. Oh ! je sais bien, nombre de Bourses n’ont pas cessé, malgré une action révolutionnaire indéniable, de toucher leurs subventions, d’avoir la jouissance de leurs locaux. C’est que la crainte de l’électeur est le commencement de la sagesse. Beaucoup de municipalités n’attendent que l’occasion favorable et que le danger de la non réélection soit complètement écarté, pour, en supprimant la subvention, essayer de tuer l’organisation ouvrière, nuisible au gros patronat et au « petit commerce », si utile au succès en période électorale.

D’autre part, cette crainte de voir supprimer le pécule qui les aide à fonctionner rend « prudents », trop prudents les bénéficiaires. Là est l’autre gros péril, dans cet achat plus ou moins conscient de militants attachés à la prébende officielle et littéralement apeurés par l’idée de la manne envolée. C’est pour cela surtout, pour libérer le mouvement syndical, de ce poids de l’or municipal, que nous devons réagir par tous les moyens.


ii

Il n’y a pas eu que les subsides des municipalités, il y a eu aussi les subsides du gouvernement. En effet, à la suite de la création de l’Office de statistique et de placement — aujourd’hui disparu — on sait qu’une subvention fut sollicitée et obtenue par la Fédération des Bourses du Travail. Ce fut là une faute grave dont les initiateurs ne surent pas suffisamment envisager toutes les conséquences. Le gouvernement, lui, les avait au contraire prévues toutes, et il espérait bien, par l’appât de ses 10 000 francs — qu’il fit inscrire au budget d’État au chapitre du Ministère du commerce — s’attacher cette Fédération des Bourses du Travail dont l’action commençait à devenir inquiétante.

De plus, une occasion unique se présentait au gouvernement pour justifier auprès des bourgeois timorés cette subvention gouvernementale accordée à un organisme d’origine ouvrière. L’exposition de 1900 avait naturellement attiré à Paris un afflux anormal de main-d’œuvre. Nombreux étaient les travailleurs venus dans la capitale, soit attirés par la perspective de trouver facilement à s’employer, soit engagés pour le compte de maisons de province ou de l’étranger, lesquelles, une fois les travaux terminés, se séparèrent du personnel qu’elles avaient ainsi appelé à Paris.

La crise qui succéda, et que créa l’Exposition elle-même, amena sur le marché un nombre de sans-travail tel qu’il n’avait jamais été