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les bourses du travail et leurs difficultés actuelles.

si grand à Paris. Cela pouvait devenir dangereux pour le gouvernement ; une effervescence parmi tous ces travailleurs attirés inconsidérément dans la capitale était à redouter. C’est alors que l’on songea en haut lieu à se servir de l’Office de statistique et de placement de la Fédération des Bourses, lequel Office se proposait justement de « régulariser le marché du travail ». De fait, le gouvernement, — M. Millerand était alors ministre du commerce, parfaitement renseigné d’ailleurs par certain membre de la Fédération des Bourses, dont il avait fait un membre du Conseil supérieur du travail — ne s’y était pas trompé. Et le service de statistique et de placement entrant dans les vues gouvernementales, servit pendant des mois et des mois à « écouler », à reverser sur les départements le trop plein d’ouvriers accourus à Paris pour l’Exposition.

La subvention gouvernementale alimenta donc ce service, et le Ministre des travaux publics y ajoutant à son tour, accorda largement les permis de chemin de fer nécessaires au « rapatriement » des travailleurs.

Ainsi la subvention, en se justifiant, avait rendu un signalé service au gouvernement : l’Office de statistique et de placement l’avait tiré d’un mauvais pas.

Mais l’évacuation sur la province du surcroît des travailleurs inoccupés à Paris fit que la crise se ralentit et qu’au bout de quelques mois, par le jeu normal de l’offre et de la demande, l’équilibre fut plus ou moins rétabli.

La subvention gouvernementale, je dois le reconnaître, si elle avait rendu service aux maîtres du moment, n’avait pas été entièrement inutile à un certain nombre de travailleurs qu’elle avait provisoirement tirés d’embarras.

Était-il bien utile alors pour la Fédération des Bourses de continuer à solliciter cette subvention ? Tout en reconnaissant que son objet ne s’imposait plus autant, des camarades, la majorité même du comité des Bourses, en jugea ainsi et les années suivantes la subvention fut à nouveau sollicitée.

Pour la justifier auprès des pouvoirs publics, une feuille d’offre et de demande d’emploi fut établie et adressée chaque semaine aux Bourses. Pendant longtemps, elle subsista malgré son peu d’utilité, de l’avis même des plus convaincus subventionnistes. Mais ne fallait-il pas « justifier » la subvention ? Car ladite feuille de placement n’était plus là désormais que pour la « justification des dépenses ».

Théoriquement, en effet, et à mesure que le temps en démontrait l’inutilité, les partisans de la subvention n’en justifiaient plus la