Page:Lamairesse - L’Empire chinois, le Bouddhisme en Chine et au Thibet.djvu/47

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celui d’un être vulgaire ; on le croirait frappé d’incapacité ; il parait vil et dégradé ; il ne se prodigue pas, et c’est pour cela qu’il brille ; il ne se fait pas valoir et c’est pour cela qu’il a du mérite ; il ne lutte pas et c’est pour cela que nul ne peut lutter avec lui (chap. XLI et XXII).

« Dans le monde, dit Lao Tseu, tous me trouvent éminent et néanmoins, je ressemble à un bomme borné : j’ai le cœur d’un homme simple, je suis dépourvu de savoir. Les gens vulgaires sont pleins de clartés, moi seul je suis comme obscurci ; ils ont de la pénétration, moi seul je demeure dans le trouble ; je suis vague comme la mer, flottant comme si je ne savais où m’arrêter (chap. LXVII et XX). »

Lao Tseu est presque muet sur la question de la famille. Il se borne à une allusion sur le rôle de la femme : « La femelle triomphe sans cesse du mâle par la douceur. » Le non agir est aussi l’idéal de la politique. « Lorsque le saint homme est au pouvoir, il fait le vide dans son cœur et il pratique le non agir. »

La bonne méthode de gouverner consiste à n’avoir pas de prudence, c’est à-dire à ne pas prendre sans cesse des précautions importunes[1]. Si le chef de l’Etat est trop clairvoyant, le peuple est privé de tout. Contrairement à l’exemple du Ciel, les princes prennent à ceux qui manquent du nécessaire pour donner à ceux qui ont le superflu ; lorsqu’ils regorgent de richesses, ce sont des voleurs.

Le prince obtient l’absence des désirs dans le peuple en maintenant l’ignorance et il fait en sorte que ceux qui savent n’osent pas agir. Si le peuple a beaucoup de moyens de lucre, le luxe augmente aux dépens de la morale et de la tranquillité publiques. Si le roi pratique le non agir, le peuple se convertit et se rectifie de lui-même, si les ordonnances sont trop multipliées et trop

  1. Il faut voir dans cette doctrine une protestation et une faction contre l’abus de l’intervention de l’autorité pour tout réglementer même dans le privé comme l’a fait Confucius. C’est la théorie moderne du laisser faire, vraie dans certaines limites qui dépendent beaucoup du tempérament des peuples auxquels on l’applique. C’est en tout cas une théorie de liberté.