Page:Lamairesse - L’Empire chinois, le Bouddhisme en Chine et au Thibet.djvu/49

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Lao Tseu exige non seulement l’ignorance et le désarmement mais encore l’absence de voyages à l’intérieur et à l’étranger. « S’il se trouvait dans son royaume des bateaux et des voitures, les habitants n’y monteraient pas, même pour le plus court voyage. « Si un royaume se trouvait en face du sien et que les chants des coqs s’entendissent de l’un à l’autre, ses sujets arriveraient à la vieillesse et à la mort sans même avoir visité leurs voisins. »

Lao Tseu et Confucius avaient des génies et des caractères tout opposés. Le premier était un solitaire nourri de spéculations et d’abstractions, complètement étranger, il est vrai, au maniement des hommes, mais en même temps un esprit puissant, exempt de tous préjugés religieux et sociaux, d’une indépendance d’esprit et d’une sincérité absolues, très respectueux de la dignité et des droits de l’homme et pratiquant toutes les vertus d’un ascète.

Le second était un patricien, héritier de hautes traditions administratives déjà anciennes en Chine, connaissant à fonds la nature de ses compatriotes et ne visant qu’à une organisation pratique basée sur elle ; un homme d’Etat uniquement préoccupé d’assurer le fonctionnement sans chocs de la machine sociale par l’adaptation exacte et le poli de tous ses détails.

Ces deux génies n’avaient de commun, qu’un trait qui parait essentiellement Chinois, l’idée de l’immobilisation et l’absence de celle du progrès. Aux yeux de Lao Tseu, Confucius était un conservateur dans le sens orgueilleux et absolu du mot. Son système politique en effet était celui des Brahmes : l’obéissance de la foule à la coutume immémoriale, représentée en Chine par les Rites, et à une élite d’hommes (les Lettrés) assumant en eux tout savoir toute intelligence, comme les Brahmes dans l’Inde. En Orient, tout système fondé sur l’apathie de l’esprit est indestructible.

Celui de Confucius et peut-être sa personne étaient profondément antipathiques au solitaire et il ne se fit pas faute de le laisser voir.

D’après le célèbre historiographe sse Mat sien[1], Confu-

  1. Traduction. Léon de Rosny. Cette visite eut lieu en 517 av. J.-C ; Confucius avait 35 ans et Lao tse 88 ans.