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leurs pères encore vivants leurs biens qu’on n’avait pas pu confisquer. La bourgeoisie n’avait perdu qu’un an de sa liberté dans les prisons ; ses biens étaient intacts, ses loisirs et ses mœurs étaient les mêmes qu’avant 89 ; le luxe renaissait ; on bâtissait, on plantait, on se donnait des fêtes à la campagne, des dîners et des bals à la ville ; les années de dispersion et de transes que l’on avait traversées semblaient donner à la vie sociale la fraîcheur de la nouveauté et le prix d’un bien un moment perdu.

Le caractère des habitants du pays se prêtait admirablement à ce genre de vie. Une bienveillance à peu près générale en fait le fond. Ce caractère est tempéré comme le climat : il n’a pas d’ardeur, encore moins de feu ; mais il à une bonne grâce, une intimité de rapports, une égalité d’humeur, une sorte de parenté générale entre les familles et entre les classes, qui font le charme habituel de la contrée. Le pays n’était donc qu’une sorte de famille dont les diverses branches n’étaient occupées qu’à se rendre la vie douce pour eux-mêmes, agréable aux autres. C'était un morceau du faubourg Saint-Germain, moins ses grands noms, ses grands préjugés et ses grands orgueils, relégué au fond d’une province.


XXXI


Un salon s’ouvrait tous les soirs, tantôt dans l’une de ces maisons, tantôt dans l’autre, pour recevoir cette nombreuse et élégante société ; des tables de jeu groupaient tout le monde, a l’exception de deux ou trois retardataires qui, arrivés après les parties commencées,