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CICÉRON.

vait pour lui donner rendez-vous à Rome, où il le suppliait de venir au nom du salut public.

« Je suivrai vos conseils, écrivait-il à Cicéron ; je me réconcilierai avec Pompée. Je suis de moi-même enclin à la douceur et à la paix : tâchons de reconquérir tous les cœurs pour jouir longtemps de ma victoire ! Tous ceux qui m’ont devancé n’ont pu éviter la haine publique, qui s’attache à la cruauté, excepté Sylla, que les dieux me préservent d’imiter ! Je suivrai d’autres maximes, et j’assurerai la durée de mon triomphe par le pardon et par la magnanimité ! »

Non content de ces caresses, César, voyant que Cicéron refusait de se rendre à Rome, alla le voir, en revenant de Brindes, dans sa maison de Formies. L’entrevue était redoutable pour Cicéron, qui avait à défendre sa vertu ; pour César, qui avait à pallier son attentat.

« Que je voudrais avoir demain à mes côtés, écrit Cicéron la veille de cette visite de César, cette sagesse d’Homère, déguisée sous la figure d’un ami, pour m’inspirer ce que j’aurai à dire ! Mais je suis dans les ténèbres, il me semble qu’il n’y a plus de soleil dans le monde ! »

Enfin César arriva entouré de cette foule d’hommes de guerre sans scrupules, et d’hommes de désordre sans patrie, qui n’ont de refuge que dans la tyrannie ou dans la licence.

« Quel cortége, grands dieux ! écrit Cicéron le lendemain dans toute l’émotion de son scandale ; quelle tourbe ! comme vous avez coutume d’appeler cet entourage de César. On y voyait jusqu’à Éros, cet affranchi de Céler ! O perte honteuse de la république ! O troupes désespérées et capables de toute infamie ! Que faisaient, ô ciel, parmi de telles gens un fils de Servius et de Licinius ? Mais c’était bien pis dans son camp devant Brindes. Six légions étaient avec lui ? »

César, dans cette entrevue, fut ce qu’il savait être