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CICÉRON.

ou pour les entendre sans pouvoir librement y répondre. »

» Enfin, ajoute Cicéron après le récit de cette longue conférence mêlée de familiarité, de plaisanterie et d’insinuations sinistres, César s’est retiré mécontent. Cette épreuve ne m’a pas fait aimer de lui, mais elle m’a fait estimer davantage de moi-même. Au moment de remonter dans sa litière pour aller à Rome, il a changé de ton : « Eh bien, m’a-t-il dit avec une intention presque menaçante, puisque vous ne voulez pas m’assister de vos conseils, je serai réduit à en suivre d’autres, et je ne m’arrêterai devant rien. »

La dictature, la guerre civile, le carnage des citoyens par les citoyens, la mort de Pompée, le suicide de Caton, le meurtre de Cicéron, son propre assassinat dans le sénat, étaient dans ce mot. Cicéron le comprit et resta inflexible, aimant mieux subir les conséquences de la tyrannie que de s’associer au tyran.

« Vous avez donc vu l’Homme, et vous avez gémi sur la patrie ? m’écriviez-vous il y a quelques jours, disait-il à Atticus à la fin de ce récit. Oui je l’ai vu, et j’ai géini sur le sort de mon pays !… « Et après, que s’est-il passé ? » Eh bien, après il est allé à Rome, et moi je suis retourné à Arpinum, où j’attendrai les hirondelles… »

C’est-à-dire la saison où la mer lui permettrait de s’embarquer pour aller rejoindre Pompée et son parti, qu’il se repentait déjà de n’avoir pas suivi assez vite !

César entra, à Rome sans Cicéron, et y suivit en effet les conseils de la violence et de la tyrannie, au lieu de ceux de la sagesse et de la paix. Il enfonça les portes des temples, où la religion, et la loi gardaient le trésor public accumulé depuis des siècles et confié aux dieux pour les extrémités de la république. Il fit frapper par ses sicaires le tribun courageux qui lui en disputait l’entrée, et il distribua à ses complices et à ses soldats l’épargne destinée aux nécessités de la patrie. Il viola toutes les lois, absorba tous les pou-