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CICÉRON.

de poussière et déchirés par l’indigence. La barque de Pompée doublant alors un petit promontoire qui lui dérobait la vue du navire à la voile, les matelots aperçurent la frêle embarcation ; ils l’indiquèrent au pilote, en lui disant qu’elle semblait chargée d’un grand nombre d’hommes qui leur faisaient des signes de détresse en agitant leurs mains et leurs vêtements au-dessus de leurs têtes. Le pilote, qui se nommait Pépicius, se lève à ces mots, regarde la barque, reconnaît dans Pompée la figure qu’il avait vue en songe, et, se frappant le front de douleur avec ses deux mains, il ordonne à ses compagnons de descendre la chaloupe à la mer, y descend lui-même, s’approche de Pompée, pressent son désastre, lui tend avec respect la main pour passer dans sa chaloupe, et le fait monter avec sa suite dans son vaisseau.

Le pilote, attendri par le spectacle d’une si grande vicissitude du sort, et comme averti de son devoir par le songe que lui avaient envoyé les dieux, prépara de ses propres mains le frugal repas de ses hôtes. Favonius, un des citoyens les plus illustres de Rome, voyant Pompée dépourvu d’esclaves, le déshabilla lui-même pour se baigner, et le frotta d’huile avant le repas, s’honora de rendre au plus grand et au plus malheureux des Romains les services d’un esclave, et ne se crut pas humilié de lui laver les pieds et de lui préparer tous les jours sa nourriture. « Le cœur noble ennoblit tout, disaient les matelots témoins de cette domesticité volontaire, et tout sied aux grandes âmes, même la servitude de l’amitié. »

Pompée se fit conduire à l’île de Mitylène, autrement Lesbos, sur la route de mer qui mène en Égypte. La plus pénétrante de ses infortunes et la plus héroïque de ses consolations, Cornélie, était dans cette île.

Pompée, après la mort de Julia, fille de César, sa première femme, avait épousé déjà vieux, mais toujours